Le rôle de la police de caractères ne se réduit pas à transmettre un message uniquement limité au contenu du texte. Les caractères (et la mise en page) véhiculent un ensemble d’impressions qui parlent à notre inconscient et s’appuient sur notre patrimoine culturel commun.
La police de caractère est la matérialisation sur le papier de la voix de l’auteur, de ses intonations, de ses réflexions. Son rôle sera de renforcer le message qu’elle véhicule en s’adressant à une partie moins rationnelle et moins consciente de notre esprit, donc de l’esprit du lecteur. Alors que le texte raconte, affirme et explique, la police murmure et sous-entend.
Il est donc important de se poser les bonnes questions avant de choisir la ou les polices de caractères qui seront utilisées dans votre document : quelle impression voulez-vous faire passer par l’entremise des textes sur le papier ? Quelle image voulez-vous donner de vous-même, de votre client, du produit ou du service qui est proposé ? Quel est la fonction, le ton du contenu ? Quelles que soit les réponses, vous pouvez être sûr qu’il existe des polices capables d’incarner l’esprit de votre publication.
Ouvrez les yeux et écoutez ce que les caractères ont à vous dire !
Adobe Janson Pro : cette humane nous renvoit aux origines de la typographie. Son classicisme ne l’empêche pas de présenter quelques particularités qui la rendent originale. Il s’agit d’une police OpenType très complète. Des avantages qui compensent une lisibilité quelque peu inférieure à celle d’autres caractères (garaldes, réales, …) et un encombrement un peu plus important.
Adobe Garamond Pro : Déjà plus policée, elle connait un succès jamais démenti et reste d’une lisibilité exemplaire. Utilisez-la si vous souhaitez inspirer respect et confiance.
Times New Roman : En 1931, le quotidien londonien The Times commanda à Monotype, sous la direction de Stanley Morison, de lui dessiner un nouveau caractère de labeur. Cette recherche de lisibilité conduisit à la création d’un des caractères les plus lisibles du monde. Il est basé sur le dessin des romains de la Renaissance dont on aurait augmenté les contrastes et étroitisé légèrement les proportions (économie de place oblige). Le Times New Roman n’est peut être pas le caractère universel souhaité par tous les imprimeurs, mais il s’en approche.
Bodoni : rigoureuse dans leur tracé (empattements droits et filiformes, axe vertical), les didones ont un aspect raffiné et théâtral qui les place en première ligne pour tout ce qui touche à la culture ou à l’industrie du luxe. On ne compte plus les couturiers, bijoutiers ou parfumeurs qui les ont adoptés pour leur logo.
Rockwell : le nom « mécanes » dit bien ce qu’il veut dire. Nées avec la révolution industrielle, ces polices évoquent la solidarité et la fiabilité de la machine. Leur aspect froid et inorganique les rend peu utilisables là où les sentiments ont leur place.
Futura : comme la plupart des linéales géométriques, la futura communique une impression de rigueur et de netteté qui la rende particulièrement à l’aise dans les publications scientifiques et techniques mais son élégance et sa polyvalence (sa gamme va du très gras au très maigre) en ont fait une des préférées des graphistes publicitaires.
Gill Sans : cette police ne fait pas son âge. Créée vers 1920 par Éric Gill, elle allie la simplicité des linéales à une sensibilité un peu fantasque plus proche des caractères classiques. Elle n’a donc pas l’aspect « clinique » de nombreuses lettre à bâtons. Utilisable même pour le corps du texte, elle reste lisible en petite taille.
American Typewriter : Dérivée des caractères de machine à écrire, elle impose dès le premier regard une impression d’instantanéité propre à faire passer n’importe quel texte pour une dépêche de dernière minute publiée sans aucun artifice. La largeur variable de ses lettres la distingue du Courier (où le i et le m ont la même chasse) et la rend plus agréable.
Triplex Light : élégante et simple, la triplex possède cependant un petit plus qui fait indéniablement penser à la modernité et à la technique. Elle se sent dès lors à sa place dans les manuels informatiques et les revues techno.
Mistral : autant certaines scriptes présentent un aspect formel et recherché, autant le Mistral est direct et familier. Sa vivacité lui permet de dynamiser une composition en s’appuyant sur le contraste qu’il offre en présence de polices plus sages (linéales grasse, …).
Optima : L’Optima est un élégant mais très lisible caractère, qualités remarquables pour une linéale. Créée en 1958 par Hermann Zapf pour la fonderie allemande Stempel, l’Optima combine des caractéristiques des caractères romains et des caractères bâton dans un dessin d’inspiration Renaissance. Les extrémités des lettres rappellent la plume du calligraphe et la forme des lettres repose les yeux. Quelque peu encombrante.
Arial : L’Arial est l’archétype de la linéale classique. Elle est très fortement apparentée à deux célébres linéales: l’Helvetica et l’Univers. Elle s’en distingue par de subtiles différences dans le dessin de beaucoup de ses lettres. L’Arial est un caractère simple et fonctionnel d’une remarquable unité graphique. Dessin� pour Microsoft par Monotype, il est devenu grâce à Windows aussi célèbre que le Times New Roman.
Franklin Gothic : Baptisée ainsi d’après Benjamin Franklin, Franklin Gothic est une linéale modernisée du xixe siècle. Dessinée par Morris Fuller Benton en 1902 pour l’American Type Founders (ATF) est encore aujourd’hui l’une des linéales les plus populaires jamais crées. La version ITC est conforme à l’original et ne s’en distingue que par quelques légères subtilités comme un œil plus large et des proportions plus étroitisées afin d’économiser de l’espace.
Akzidenz Grotesk : a été produite en 1896 par la Berthold Foundry. C’est une linéale assez géométrique qui correspondait tout à fait aux principes de la nouvelle typographie. L’Akzidenz Grotesk à beaucoup influencé le dessin de Neue Hass Grotesk qui a été par la suite rebaptisée Helvetica. Cette police présente des formes assez large, ce qui accentue son horizontalité et la rend apte aux compositions symétriques. Cependant sa chasse large et son œil bas la rendent moins pratique pour le traitement de texte. Mais il faut tout de même remarquer que cela lui donne un véritable intérêt visuel.
Ces quelques exemples n’ont qu’un but : montrer ce qu’une police peut faire (exprimer). Voyez votre collection de caractères comme une garde-robes. Les fontes sont les vêtements des mots. Elles n’altèrent en rien le contenu du document mais lui ajoute un style particulier, une « couleur » subtile. À vous d’être le styliste qui saura trouver quelle tenue convient à un texte précis et pour une occasion particulière.